un cadeau pharaonique !

Pour remercier les Français de leur active coopération à la stabilisation et à la modernisation de son pays et sans aucun souci de préservation de son patrimoine historique, Mehemet Ali, vice-roi d'Egypte en 1829, leur annonce :" je promets de vous offrir les 2 obélisques d'Alexandrie..." 

"que nenni !" rétorque J.F.Champollion, " ce serait mieux que nous soient offerts les 2 obélisques mieux conservés du temple de Louxor (certes, ils ne sont pas au bord de la mer mais à 700 km !) et que Mehemet Ali donne aux anglais qu'il veut également remercier, un obélisque d'Alexandrie et celui du temple de Karnak "        ( Champollion sait qu'il est intransportable !...ouaf...ouaf.. ).

Mehemet Ali accepte ce changement. La Marine impose alors  d'être maître d'oeuvre dans l'organisation du transport. Nous sommes le 4 juillet 1829 et le cadeau sera confirmé le 3 juin 1830 .

Commence alors une aventure palpitante ....

12 janvier 1830 : Champollion décide qu'on va commencer par transporter l'obélisque occidental du temple ...quelque peu ensablé !

voici le temple de Louxor en 1830 

quand on regarde ce qui dépassait des statues alors et maintenant, on se rend compte du degré d'ensablement ! (n'oubliez pas que si vous cliquez sur la photo, elle s'agrandit)

8 mars 1830 : début de la construction du navire de transport le "Luxor" à l'arsenal de Toulon. Il doit pouvoir naviguer sur le Nil, en haute mer ( Méditerranée et Atlantique ) puis sur la Seine... ce qui impose de trés nombreuses contraintes! Il sera mis à l'eau le 26 juillet de la même année.

15 avril 1831 : départ du "Luxor" pour Alexandrie en Egypte, où il arrive le 3 mai avec à son bord  en sus de l'équipage, Alexandre Lebas, l'ingénieur concepteur du projet d'abattage et de transport de l'obélisque, des ouvriers spécialisés et plusieurs tonnes de matériel. 

21 juin : arrivée à Rosette ( port à l'embouchure du Nil ) 

-c'est là qu'avait été découverte, en 1799,  la fameuse pierre dite "Pierre de Rosette" couverte du même texte écrit en grec, en démotique et en hiéroglyphes et qui a permis à Champollion de commencer à déchiffrer les hiéroglyphes - mais ça vous le savez déjà!

 là, il faut attendre qu'arrive la crue du Nil pour pouvoir remonter jusqu'à Louxor...où il arrive le 14 août.

- la crue du Nil qui débute tous les ans vers le 18 juillet va rythmer toute l'opération avec des périodes de navigation possible et des périodes d'échouage obligatoire -

A Louxor, une cale d'échouage est construire au bord du Nil et une chaussée de 400m de long est aménagée entre l'obélisque et le bateau que l'on a démâté et dont on a prévu de scier l'avant afin de pouvoir charger à bord l'obélisque, protégé par un coffrage en bois.

31 octobre 1831 : abattage de l'obélisque au moyen d'un appareil d'abattage et d'un appareil de retenue employant plus de 200 hommes. On s'est aperçu qu'il était légèrement fêlé ce qui a entraîné quelques changements dans la technique !!

voici la gravure qu'a réalisée Léon de Joannis, commandant en second du "Luxor"

Du 16 novembre au 19 décembre 1831 : sur un glissoir spécial, halage de l'obélisque vers le "Luxor" par petites étapes de 7m, au moyen de cabestans mus par des dizaines d'hommes ... Enfin il est à bord, mais....

.. il faudra attendre la prochaine crue du Nil pour que l'eau soulevant  le "Luxor"  le déséchoue , c'est à dire pas avant le 25 août 1832 !

Durant l'année 1833, le "Luxor", après avoir passé, le 1er janvier, la périlleuse barre du Nil à Rosette, et avoir, à Alexandrie, attendu le printemps et la fin des tempêtes hivernales de Méditerranée...

... rejoint le 10 mai, Toulon remorqué par le magnifique premier navire de haute mer à vapeur le "Sphinx" ...

...rallie Cherbourg le 12 août après être passé par Gibraltar... arrive à Rouen le 14 septembre...Là, on le démâte, on lui retire ses bastingages (il faut qu'il puisse passer sous les ponts de la Seine) et le 3 décembre , halé par 28 chevaux, il arrive enfin à Paris ! 

On pourrait croire que l'aventure est finie ! et bien non, il faut prévoir un socle. C'est dans le courant de l'année 1834 qu'on se met d' accord sur ce que l'on va faire : 5 énormes blocs de granit seront nécessaires pour construire le nouveau socle...et il faut donc aller les chercher ! non pas à Louxor, mais en Bretagne, à L'Aber-Ildut !

Le socle initial, en mauvais état, n'a pu être rapporté et les 4 babouins que l'on voit au musée du Louvre proviennent eux du socle de l'obélisque oriental qui ne sera, lui, jamais déplacé.

Il faut donc décharger le "Luxor" de l'obélisque que l'on va entreposer sur le quai de la Concorde - déchargement réalisé entre le 8 et le 10 août -et réutiliser le bateau pour transporter les blocs bretons ! -même technique d'échouage à l'Aber-Ildut - même chemin de halage- même remorquage en mer par le "Sphinx" et sur la Seine par les chevaux !

Et enfin, le 25 octobre 1836 , entre 11h30 et 14h30, 350 artilleurs employés aux cabestans érigent la Merveille . Le roi Louis-Philippe et 200.000 parisiens assistent à l'évènement :

Et c'est en 1939 que seront gravés à l'or fin sur le piédestal les inscriptions commémoratives de l'expédition et les plans des travaux d'abattage... il aura donc fallu 10 ans pour mener à bien cette aventure !

Quant aux inscriptions en hiéroglyphes, je vous en ferai grâce car sur les 4 faces on peut lire à peu près la même chose, du genre:

"Ramsès -meriamon ( c'est Ramsès II - XIXème dynastie, vers 1250 av.JC - ai-je besoin de vous le rappeler ? ) - le taureau victorieux à la force puissante qui gouverne les foules grâce à son bras vigoureux, qui capture tous les pays étrangers dans ses victoires - taureau puissant, aimé de Rê, souverain à la grande rage de vaincre, à la force terrible - il fait trembler tous les pays par sa valeur -...." ... c'est assez répétitif !

(ceci est un condensé de l'exposition qui se tient actuellement au Musée de la Marine à Paris et les photos proviennent du catalogue)

Souvenez-vous ce n'est qu'en 1998 qu'a été rajouté au sommet de l'obélisque le rutilant pyramidion !